Actualités jurisprudentielles 2024 : Les bons réflexes pour une gestion du personnel sans fausse note

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L’année 2024 a été riche en matière de jurisprudence sociale, avec des décisions qui redessinent certaines pratiques clés en gestion du personnel. Qu’il s’agisse du traitement des arrêts de travail, du respect des repos légaux, ou encore du formalisme des ruptures conventionnelles, ces évolutions impactent directement le quotidien des TPE et PME.



Nous vous proposons une analyse des décisions marquantes pour vous aider à maintenir une administration du personnel conforme et sécurisée. Une lecture essentielle pour anticiper les risques et ajuster vos pratiques.

Respect des arrêts de travail : maladie et maternité sous surveillance accrue

  • Dans les petites structures, l’absence d’un salarié pour cause de maladie ou de maternité peut déséquilibrer l’organisation. Face à cette réalité, il n’est pas rare que les employeurs sollicitent, même ponctuellement, les salariés en arrêt pour des tâches urgentes. Bien que compréhensibles d’un point de vue opérationnel, ces pratiques présentent aujourd’hui un risque juridique non négligeable.

    Une jurisprudence claire : l’arrêt, c’est l’arrêt !

    La Cour de cassation a récemment rappelé que travailler pendant un arrêt maladie ou un congé maternité cause nécessairement un préjudice au salarié, même si celui-ci y consent (Cass. soc. 4 septembre 2024, n°22-16.129). Ce préjudice ouvre droit à des dommages et intérêts, et non simplement au paiement des heures travaillées. Autrement dit, le montant des réparations peut largement dépasser celui des salaires dus pour ces heures (Cass. soc. 2 octobre 2024, n°23-11.582). 

    Les impacts financiers et humains :

    Au-delà des sanctions financières, le non-respect des arrêts de travail peut nuire à l’image de vos clients. À l’heure où la réputation d’une entreprise se construit aussi sur sa capacité à assurer le bien-être de ses salariés, garantir le respect des congés devient un véritable atout pour sa marque employeur. Une gestion exemplaire des arrêts renforce la confiance et l’engagement des collaborateurs.

    Un signal d’alerte organisationnel :

    Si une entreprise ne peut se passer temporairement d’un collaborateur en arrêt, cela peut révéler une dépendance excessive à certaines ressources clés. C’est donc l’occasion de repenser les processus : mise en place de plans de remplacement, redistribution des charges ou encore renforcement des équipes de soutien. Un effort organisationnel qui peut s’avérer complexe, mais qui permet de sécuriser durablement ses pratiques.

Retenue sur salaire ou sanction pécuniaire ? Les erreurs à ne pas commettre

  • La distinction entre retenue sur salaire et sanction pécuniaire peut sembler subtile, mais une récente décision de la Cour de cassation (Cass. soc. 20 mars 2024, n°22-20.569) rappelle qu’elle est essentielle pour éviter des pratiques illégales.

    Le cas en question :

    Une compagnie aérienne imposait à ses salariés de participer à des formations obligatoires, en respectant scrupuleusement les horaires et en apportant une documentation complète. En cas de retard supérieur à 10 minutes ou d’absence des documents requis, les participants étaient exclus de la formation et leur absence était décomptée sous forme d’une journée de salaire en moins sur leur fiche de paie.

    Les salariés concernés ont contesté cette pratique, et la Cour a tranché : cette déduction d’une journée de salaire, sans justification objective du lien entre le retard ou l’absence de documents et l’impossibilité de participer à la formation, constituait une sanction pécuniaire prohibée.

    Les règles à respecter pour éviter de tomber dans ce travers : 

    • Proportionnalité : Une retenue sur salaire pour retard doit être strictement proportionnelle au temps de travail réellement non effectué par le salarié.
    • Objectivité : Si l’employeur considère qu’un retard ou une absence empêche la poursuite du travail, il doit pouvoir en justifier objectivement les conséquences
    • Sanction vs. retenue : Toute déduction salariale visant à "punir" un comportement est une sanction pécuniaire déguisée et donc illégale.

    Pour vos clients, il est donc primordial d’encadrer ces pratiques en clarifiant les règles internes dans le règlement ou les procédures, en rappelant également qu’un défaut de prestation ne se traduit pas par une sanction pécuniaire mais disciplinaire (si elle a un caractère fautif).

Le droit au repos : pourquoi un repos non respecté peut coûter cher

  • Dans un arrêt du mois de février 2024 (Cass. soc., 7 février 2024, n° 21-22.809), la Cour de cassation rappelle que le non-respect des temps de repos obligatoires peut avoir des conséquences lourdes pour l’entreprise. Focus sur ce cas et les enseignements à en tirer pour une gestion RH plus sécurisée.

    Une affaire révélatrice : le temps de repos en question

    Un agent de sécurité d’une entreprise parisienne a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il reprochait à son employeur de ne pas respecter la durée minimale de repos entre deux périodes de travail.

    Le salarié a réclamé des dommages et intérêts pour ce manquement, tandis que l’entreprise arguait qu’il ne prouvait aucun préjudice personnel lié à ces infractions.

    La décision de la Cour de cassation :

    La Cour de cassation a été claire : le non-respect des temps de repos constitue un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur indépendamment de toute preuve de préjudice.

    En effet, l’employeur est tenu de protéger la santé physique et mentale des salariés, ce qui inclut la garantie d’un repos quotidien de 11 heures minimum (ou 12 heures selon certaines conventions collectives). La simple violation de cette règle ouvre droit à réparation, sans que le salarié ait à démontrer un préjudice spécifique.

    Conséquences RH et financières pour vos clients :

    Cette décision impose aux entreprises de 

    • Mettre en place des outils de suivi rigoureux pour vérifier le respect des temps de repos.
    • Former les encadrants à l’importance de ces obligations légales.

    Un simple manquement peut engendrer des coûts importants, notamment sous forme d’indemnités, et nuire à la réputation de l’entreprise.

    Comment s’assurer du respect des temps de repos ?

    Voici quelques solutions pratiques pour veiller à la conformité que vous pouvez partager à vos clients :

    1. Suivi des horaires : utiliser un logiciel RH pour planifier et suivre les temps de travail et de repos. Un état déclaratif mensuel validé par l’entreprise peut suffire, sans recourir à des systèmes de badges ou de tracking intrusifs.
    2. Communication proactive : informer régulièrement les salariés et les encadrants sur le droit à la déconnexion et ses implications opérationnelles.
    3. Configuration des outils : Désactiver les notifications des outils de communication interne sur des plages horaires déterminées pour encourager le respect des temps de repos.

    Une opportunité pour la santé et la productivité :

    Respecter les temps de repos, ce n’est pas seulement éviter des litiges : c’est aussi améliorer la santé, la motivation et la productivité des équipes. Avec une communication adaptée et une organisation respectueuse, le respect du repos devient un levier gagnant-gagnant pour vos clients et leurs salariés.

Rupture conventionnelle : le formalisme, une condition sine qua non

  • En 2024, deux décisions de la Cour de cassation offrent des enseignements précieux sur les bonnes pratiques à adopter pour sécuriser les procédures de vos clients en matière de rupture conventionnelle. Voici une synthèse des points clés.

    1. Pas de délai obligatoire entre entretien et signature Cass. soc. 13 mars 2024, n°22-10.551)

    Dans cette affaire, la Cour de cassation a clarifié un point important concernant les délais entourant la rupture conventionnelle. Contrairement à d’autres étapes de la procédure (comme le délai de rétractation de 15 jours calendaires ou le délai d’homologation de 15 jours ouvrables), le Code du travail n’impose pas de délai spécifique entre l’entretien préalable et la signature de la convention de rupture.

    Ce qu'il faut retenir :

    L’entretien préalable est indispensable et doit toujours précéder la signature de la convention. Cet entretien garantit que les parties ont eu l’opportunité de discuter des modalités de la rupture et de consentir librement à l’accord. Une absence ou une inversion de ces étapes pourrait invalider la procédure.

    • Une signature rapide après l’accord peut être avantageuse. En réduisant le temps entre l’entretien et la signature, l’entreprise limite les salaires à verser pendant la période intermédiaire, ce qui peut représenter une économie notable. Cependant, cette rapidité ne doit pas se faire au détriment de la preuve du bon déroulement de la procédure.
    • Documentez chaque étape pour sécuriser la procédure : 
      • Convocation à l'entretien : Assurez-vous que le salarié reçoit une convocation écrite mentionnant la date, l’heure et le lieu de l’entretien. Idéalement, faites signer un accusé de réception ou envoyez la convocation par lettre recommandée.
      • Horodatage : Mentionnez l’heure de signature sur le CERFA de rupture conventionnelle, en plus de la date, pour prouver que la signature est bien postérieure à l’entretien.
    • Privilégiez une marge de sécurité. Bien qu’aucun délai ne soit imposé, signer la convention le lendemain de l’entretien peut être une bonne pratique. Cela renforce la crédibilité de la procédure en cas de litige et témoigne d’un consentement réfléchi des deux parties

    1. Toute modification nécessite un nouveau délai de rétractation (Cass. soc. 16 octobre 2024, n°23-15.752)

    Un autre arrêt a mis en lumière une exigence stricte : toute modification de la convention, même minime, impose un redémarrage complet de la procédure (nouvelle signature, nouveau délai de rétractation, nouvelle homologation).

    Les points à retenir : 

    • Les erreurs, même minimes, peuvent invalider l’accord.
      Un montant d’indemnité légèrement inférieur au minimum légal ou une date de rupture fixée trop tôt suffisent à annuler la procédure, indépendamment de l’intention des parties. 
    • Chaque modification impose une reprise complète de la procédure.
      Cela signifie qu’il ne suffit pas de corriger l’erreur ou d’obtenir une homologation administrative après modification. La convention doit être à nouveau signée par les deux parties, avec un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires avant la demande d’homologation.
    • Les modifications doivent être partagées et validées avec le salarié.
      L’accord des deux parties est indispensable pour garantir la liberté de consentement, pilier de la rupture conventionnelle. Précisons que dans cette affaire, l’employeur, qui s’était vu notifier un refus d’homologation, avait rectifié la convention de rupture sans en avertir le salarié avant de solliciter une nouvelle homologation.

    En résumé : Ces décisions renforcent l’importance d’une approche rigoureuse et transparente dans la gestion des ruptures conventionnelles. Respecter scrupuleusement les délais et garantir la bonne foi des échanges avec le salarié ne sont pas seulement des obligations légales, mais aussi des leviers pour préserver la sérénité des relations professionnelles et limiter les risques financiers.

    A titre de rappel, voici une infographie illustrant les grandes étapes d’un processus de rupture conventionnelle, intégrant les enseignements de ces arrêts :

Congé sabbatique : l’absence de réponse, un piège pour l’entreprise

  • Les demandes de congé sabbatique, même irrégulières, méritent une attention particulière. Une récente affaire (Cass. soc. 2 octobre 2024, n°23-20.560) démontre qu’un silence de l’employeur peut avoir des conséquences lourdes.

    Une demande ignorée : quand l’inaction coûte cher

    Dans cette affaire, une salariée d’une enseigne de grande distribution, demande un congé sabbatique le 27 avril 2016 pour un départ prévu le 1er mai 2016, sans respecter le préavis légal de trois mois. L’employeur, jugeant la demande irrecevable, choisit de ne pas y répondre.

    Sans réponse, la salariée part en congé à la date indiquée. Ce n’est que deux mois et demi plus tard, en juillet, que l’entreprise réagit, demandant des explications, avant de licencier la salariée pour faute grave.

    La salariée conteste alors ce licenciement, affirmant avoir exercé son droit à un congé sabbatique et réclamant des dommages et intérêts.

    La décision de la Cour de cassation

    La Cour de cassation tranche en faveur de la salariée, estimant que l’absence de réponse de l’employeur dans les 30 jours suivant la demande vaut acceptation tacite, conformément à l’article L.3142-30 du Code du travail. Peu importe le non-respect du délai de prévenance par la salariée : l’entreprise aurait dû répondre dans les temps pour s’opposer formellement à cette demande.

    Les leçons à retenir en matière de gestion du personnel

    Cet arrêt souligne plusieurs points clés pour éviter des litiges similaires :

    • Toujours répondre dans les délais : Une absence de réponse peut être interprétée comme une acceptation, même en cas de non-conformité.
    • Formalisme rigoureux : Toute réponse, qu’elle soit un accord, un refus ou une proposition de report, doit être documentée par écrit et envoyée par lettre recommandée, contre récépissé ou par tout moyen pouvant servir de preuve valable
    • Proactivité : Réagir rapidement à toute irrégularité, dès la réception de la demande, permet d’éviter l’escalade des problèmes.

    En résumé : Ignorer une demande de congé, même irrégulière, expose à des risques juridiques et financiers significatifs. Répondre dans les délais et formaliser chaque étape est la clé pour protéger l’entreprise et maintenir des relations sociales apaisées.

Conclusion

  • La gestion du personnel est un équilibre délicat entre la maîtrise des obligations légales, la préservation de la santé des salariés et la prévention des risques financiers. Comme le montrent les décisions jurisprudentielles abordées dans cet article, chaque détail compte pour sécuriser les pratiques administratives et relationnelles. Ces aspects de conformité concernent d’ailleurs également la classification objective des catégories de salariés, un aspect souvent négligé mais essentiel pour éviter des litiges coûteux.

    Dans ce cadre, les conseillers d’Harmonie Mutuelle se tiennent à votre disposition pour accompagner vos cabinets et vos clients.

    Experts dans l’analyse et la mise en œuvre des catégories objectives, ils peuvent vous aider à renforcer vos pratiques tout en assurant une parfaite conformité aux exigences juridiques.

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