Interview d'Eliane LEVEQUE-GRIFFANTI, dirigeante du cabinet Elios experts à Wattwiller (68)

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Mis à jour le 06 mai 2024


Les cabinets d'expertise comptable traversent de grands changements suite aux différentes réformes juridiques et fiscales et également dans le cadre des évolutions sociales et sociétales.

Vous souhaitez pouvoir conseiller vos clients entrepreneurs au plus près de leurs préoccupations ?

Découvrez le témoignage d'Eliane LEVEQUE-GRIFFANTI qui a fait évoluer les missions au sein de son cabinet.

Les dernières réformes ont-elles changé sensiblement votre façon de travailler ?

  • De mon côté les missions sont restées les mêmes, la réforme a beaucoup plus impacté les missions des commissaires aux comptes. Nous accompagnons les dirigeants de la même manière pour répondre à leurs obligations légales. On ne peut pas dire que les simplifications qui ont été mises en place ont baissé les obligations déclaratives de nos clients. Nous sommes donc encore beaucoup sollicités sur ce sujet.

    En revanche, le changement vient du fait que nos clients ont de nouvelles attentes hors de la comptabilité. Comme les choses vont beaucoup plus vite et que les craintes du post covid persistent, nos clients ont besoin d’un accompagnement beaucoup plus fréquent.

    Nous sommes passés des grands rendez-vous annuels au pilotage fin avec nos clients.

    J'ai un parcours un peu particulier, j’ai travaillé quelques années en entreprise avant de finaliser ma formation d’expert-comptable et de retourner en cabinet.

    Ma connaissance de l'entreprise m’a fait prendre conscience que le client a besoin d'accompagnement au niveau social, sociétal. Le management notamment fait partie des problématiques récurrentes que j’ai pu observer pendant cette période. J’avais donc conscience des différents besoins d’accompagnement du chef d’entreprise hors des obligations comptables.

    Le Covid et le confinement m’ont permis de «passer » le pas de façon plus importante.

    Cette période m’a incité à appeler mes clients pour prendre de leurs nouvelles, pour les accompagner  pendant cette période difficile.

Comment l’expert-comptable, selon vous, peut-il mieux accompagner ses clients au quotidien et rentrer dans cette dimension de conseil ?

  • D’abord il est important de bien connaitre son client. Cela passe par des échanges réguliers pour être au courant de ses difficultés, de son quotidien et surtout mieux connaitre ses problématiques et son secteur d’activité. Echanger uniquement lors des entretiens de présentation des bilans ne sera pas suffisant. On ne peut pas bien conseiller son client si on ne le connaît pas.

    L’idée c’est de détecter le besoin, voire l’anticiper pour proposer une mission pertinente, utiles et adaptée au besoin et au contexte du client.

    Ensuite, il faut se former pour répondre à leurs nouveaux besoins (par exemple en gestion de patrimoine, accompagnement RH…).

Pour que vos confrères et consoeurs puissent se projeter concrètement, pourriez-vous nous expliquer quelles sont ces missions d’accompagnement hors de la comptabilité ?

  • Nous pouvons intervenir sur différents sujets sur lesquels nos clients nous trouvent complètement légitimes.

    L’après Covid et la gestion des remboursements des prêts garantis par l’état   a posé de véritables problématiques de trésorerie sur lesquelles nous sommes intervenus. La mission de conseil s’apparent souvent à du pilotage plus fin et plus « en prise » avec la vie de l’entreprise toute l’année.

    Dans cet objectif de suivi plus régulier, nous les aidons à mettre en place des tableaux de bord qui leur permettent de mieux suivre leur activité et d’être plus réactifs. Ces mêmes tableaux nous permettent de mieux les suivre et les conseiller dans leur prise de décision.

    L’idée est de les faire rentrer de plus en plus dans des notions de business intelligence.

    Nous leur proposons des points d’étapes mensuels qui nous permettent aussi de développer une nouvelle relation et de révéler de nouveaux besoins auprès de nos clients.

    Le social et le management sont aussi des sujets sur lesquels nos clients ont un véritable besoin d’accompagnement et de conseils. On le sait le droit du travail est une matière complexe et en constante évolution.

    Nous devons accompagner le dirigeant sur ces sujets pour le protéger et lui apporter une véritable sérénité.

    Enfin l’administratif constitue aussi un point d’entrée intéressant pour développer ces missions d’accompagnement, par exemple lorsque vous avez des petits clients qui sont complètement pris par tout ce qui est facturation, recouvrement de créances, etc.

Le besoin d’accompagnement est réel, mais comment un cabinet peut s’organiser pour développer ses nouvelles missions ?

  • La première difficulté à surmonter est l’organisation du temps. Nous n’avons pas la même temporalité que d’autres professions en raison de contraintes d’échéances fortes.

    Par ailleurs, on ne peut pas forcément développer ces nouvelles missions seulement sur les ressources existantes.

    La seconde difficulté consiste actuellement dans la ressource. Il est délicat de demander aux collaborateurs en charge d’un portefeuille d’ajouter de nouvelles missions sans réorganiser le cabinet en créant de nouveaux postes qui permettront de les décharger ou en faisant appel aux nouvelles technologies pour effectuer des gains de temps sur des tâches automatisables.

    Au sein de mon cabinet, nous avons créé un poste de data contrôleur qui a déchargé les collaborateurs d’une partie de la saisie. Nous sommes également sensibles aux paramétrages des dossiers pour automatiser certaines tâches.

    Le développement de missions de conseil doit passer par une réorganisation du cabinet, mais également par un accompagnement des équipes. Elles ont besoin d’être associées au changement et surtout d’être rassurées.

    D’ailleurs, tous les collaborateurs n’adhèrent pas à cette stratégie, certains préfèrent quitter le cabinet et ces nouvelles missions demande du temps supplémentaire. Il faut donc également s’attendre à devoir recruter non pas pour permettre au cabinet de grandir mais pour pouvoir prendre le virage du changement.

    Et qui dit recruter dit travailler son attractivité !

    Nous nous devons de proposer des conditions de travail qui correspondent aux tendances et aux attentes des nouvelles générations. On doit donc être vigilants aujourd’hui à proposer un meilleur équilibre entre vie pro et perso, mieux organiser son cabinet afin d’éviter des périodes de bilan trop chargées, offrir une meilleure linéarité, comme ce que j’ai pu connaitre en entreprise. Cela leur donnera plus envie de nous rejoindre et leur permettra d’être plus efficaces dans l’accompagnement que le client attend de nous aujourd’hui.

    Il faut donc : réorganiser, accompagner et former ses collaborateurs et recruter.

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