Évaluer le coût de l’absentéisme et réduire l’aléa financier

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Mis à jour le 22 janvier 2024


Depuis 2019, médias et gouvernement se font l’écho d’une hausse importante des arrêts maladie et de l’absentéisme associé. Si le coût pour les finances publiques est de plus en plus conséquent, ce phénomène a également un impact financier sur les entreprises même si ce dernier n’est pas toujours mesuré.

En effet, l’analyse détaillée de la masse salariale n’est pas un exercice habituel pour un dirigeant de TPE/PME. A tort, car cela permet de prendre davantage conscience du coût réel de l’absentéisme au sein de l’entreprise.

En tant qu’expert-comptable, vous savez qu’on ne gère bien que ce que l’on mesure. Aussi, pour que le sujet devienne une préoccupation pour vos clients, il est indispensable de s’appuyer sur des données chiffrées.

Quelles données précisément ?

Sans rentrer dans un détail trop exhaustif, il semble pertinent de regarder le coût de l’absentéisme sur 3 postes principalement.

L’évaluation du coût du maintien de salaire

  • en cas d’arrêt maladie, les dispositions légales ou les stipulations conventionnelles (accord de branche ou d’entreprise) prévoient une obligation de maintien de salaire à la charge de l’entreprise qui varie souvent en fonction de l’ancienneté du salarié. Ce maintien vient compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale (IJSS).

    Une idée répandue consiste à penser que la Sécurité Sociale indemnise ces absences à hauteur de 50 %. Cette information est partiellement fausse puisque les IJSS ne sont versées qu’à compter du 4ème jour d’arrêt maladie (sauf si l’arrêt fait suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle) et dans la limite de 52,28 euros brut / jour (plafond applicable au 1er janvier 2024).
     

    Ainsi, les arrêts de courte durée ou les arrêts concernant des salariés gagnant plus de 1,8 fois le SMIC en moyenne mensuelle coûteront forcément cher à l’entreprise puisque la part prise en charge par la Sécurité Sociale sera faible, voire inexistante.

    Pour s’en convaincre, prenons l’exemple d’une TPE employant depuis 2 ans un cadre au salaire de 4000 euros brut mensuel et appliquant la convention collective des bureaux d’études techniques (Syntec). Ce salarié est absent pour cause de maladie durant 3 jours. En application des stipulations conventionnelles, il bénéficie d’un maintien de salaire à 100%. Combien cela va-t-il coûter à son entreprise ?

  • NB : pour davantage de simplicité dans la présentation, la cotisation APEC salarié et la contribution patronale au dialogue social n’ont pas été affichées (leurs coûts est marginal - moins d’1 euros).

    Notons ici que le taux global de contributions patronales est de 35% car l’entreprise :

    • n’est pas redevable du complément maladie (6%)
    • a un taux d’accident du travail relativement faible compte tenu de son secteur d’activité (0,77%)
    • paie un taux de formation professionnelle réduit et FNAL réduit (entreprise de moins de 11 salariés)
    • est exonérée de taxe transport

    Ce coût pourrait varier en fonction du niveau de rémunération, du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise et du lieu d’implantation de l’entreprise.

    Résultat : Un arrêt maladie de 3 jours coûtera donc, dans cet exemple, 770 euros à l’entreprise. De son côté, le salarié verra son revenu net d’impôt intégralement maintenu.

    Dans tous les cas, la multiplication des arrêts de courte durée (moins de 4 jours) aura un impact significatif pour l’entreprise puisqu’elle devra assumer seule le versement des indemnités de maintien de salaire.

    Comment évaluer le coût de manière rapide au sein de l’entreprise ?

    Grâce à une extraction des rubriques de paie associées au maintien de salaire en cas d’absence maladie. Attention, cette extraction sera exprimée en salaire brut. N’oubliez donc pas d’intégrer le montant des contributions patronales afférentes à ce maintien de salaire en appliquant le taux habituel de contributions patronales.

    Si vous disposez des données de paie sur plusieurs années, vous pourrez aisément calculer ce coût sur différents exercices de manière à pouvoir dégager des tendances, ce qui est toujours très instructif : cela peut notamment permettre de savoir précisément à quel point les maintiens de salaire ont eu un impact sur la hausse ou la baisse de la masse salariale entre deux budgets.

    Cependant, pour avoir une vision plus exhaustive du coût lié à l’absentéisme, vous pouvez également évaluer un second poste de coût.

L'évaluation des coûts liés au remplacement des absences

  • certaines absences de vos clients doivent impérativement faire l’objet d’un remplacement pour assurer la continuité de service au sein de leur entreprise. Cette suppléance se matérialise par l’embauche d’un salarié à contrat à durée déterminée ou d’un intérimaire. Dans ces cas, il conviendra simplement d’extraire le coût de la masse salariale chargée associée à ce remplacement.

    Mais pour être encore plus précis, vous pourrez également ajouter un montant forfaitaire lié au coût de la gestion administrative de cette absence : l’idée est de voir combien de temps votre client consacre à la recherche du remplaçant, à son accueil et à sa formation lors de la prise de poste. Un calcul basé sur le taux horaire des personnes ayant participé au processus d’embauche et d’intégration semble le plus pertinent mais vous pouvez aussi raisonner sur une moyenne si vous avez un volume important de coût de remplacement à évaluer.


    Exemple : le recrutement d'un salarié en CDD nécessite en moyenne 5 heures de coût d'administration du personnel et de recrutement (recherche de candidat, entretien, constitution du dossier, intégration des éléments en paie, réalisation du contrat de travail, du dossier de sortie etc.…)

    Si l’on part sur un taux horaire moyen de 25 euros (contributions patronales incluses), vous devrez donc inclure un coût forfaitaire de 125 euros par remplacement.

    Coûts des heures supplémentaires liées aux absences : dans certains cas, l’absence des salariés sera "compensée" par un travail supplémentaire des équipes internes. Ces situations entraînent généralement le paiement d’heures supplémentaires, voire de primes (notamment pour des salariés en forfait jours qui ne bénéficient pas d’heures supplémentaires).

    Cet élément sera plus difficile à chiffrer s’il n’a pas fait l’objet d’un suivi spécifique, les écritures paie ne suffisant pas, à elles seules, à faire la distinction entre les heures supplémentaires liées à du surcroît d’activité ou à de l’absence d’autres salariés.

    N’hésitez donc pas à conseiller à votre client de suivre cet indicateur pour l’avenir.

Le coût lié à la hausse du taux d’accident du travail / maladie professionnelle

  • de manière très schématique, plus les arrêts de travail liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle vont être longs et fréquents, plus le taux de cotisation AT/MP sera important.

    Cependant, le mode de calcul n’est pas le même en fonction de l’effectif de l’entreprise :

    • Pour les entreprises de moins de 20 salariés, le taux de la cotisation accidents du travail est déterminé pour l’ensemble d’un même secteur d’activité (on parle de taux collectif). Dans ce cas, l'incidence des actions de prévention de vos clients sur leur taux AT/MP aura un effet sur le temps long, au travers de l’évolution du taux collectif du secteur. Vérifiez bien cependant que le secteur d’activité déclaré auprès de la CARSAT est bien celui dont relève l’entreprise. En effet, une mauvaise identification du secteur peut avoir des incidences sur l’application du “bon” taux de cotisations AT/MP.
    • Pour les entreprises de 20 à 149 salariés, le taux de la cotisation AT/MP est calculé selon une méthode dite mixte. Il dépendra donc à la fois de la “sinistralité” au sein du secteur d’activité de votre client et des accidents du travail et maladies professionnelles décomptés au sein de son entreprise. Dans cette situation, le chef d’entreprise commence à avoir un intérêt financier plus important à agir.
    • Pour les entreprises de plus de 149 salariés, le taux de la cotisation d’accidents du travail est calculé uniquement sur la base de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et maladies professionnelles qui se sont réalisés au sein de l’entreprise. L’impact financier peut donc être extrêmement conséquent. On constate d’ailleurs des coûts variant de moins de 1% à plus de 5% de la masse salariale entre deux entreprises. Appliquer sur l’ensemble de la masse salariale, cela peut représenter de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros (plus encore pour les grandes entreprises).

    Pour que le chef d’entreprise puisse appréhender simplement l’impact du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles sur sa masse salariale, il est intéressant d’analyser l’évolution du taux d’AT/MP sur les dernières années. Pour encore mieux se représenter ce coût, il conviendra d’appliquer le différentiel de taux à la masse salariale brute totale de l’entreprise, les euros étant toujours plus parlant qu’un taux.

    L’important, ici encore, est que vos clients puissent prendre conscience des coûts liés à des conditions de travail parfois dégradées pour que vous puissiez les conseiller en leur démontrant qu’il existe aussi un intérêt financier à agir.

    Une fois ces mesures effectuées, comment réduire ce coût et comment anticiper cette charge ?

    La hausse de l’absentéisme et du nombre d’accidents de travail est souvent liée à de mauvaises conditions de travail. Aussi, il importe avant tout de pouvoir établir un diagnostic de la situation, d’interroger les causes de cette hausse. Des ateliers ou des programmes de prévention conduits par Harmonie Mutuelle peuvent aider l’entreprise dans le diagnostic et la mise en place d’actions efficaces.

    Évidemment, ces actions doivent s’inscrire dans la durée pour permettre d’améliorer année après année, le bien-être, la santé  et la sécurité des salariés sur leur lieu de travail. Il s’agit donc davantage d’investir dans une politique volontariste de santé au travail qui aura des bénéfices larges pour l’entreprise, bien au-delà de la baisse du coût de l’absentéisme : bien-être des collaborateurs, amélioration de l’image de l’entreprise et de son attractivité…

    En complément d’un travail de fond sur l’amélioration des conditions de travail et la réduction des facteurs d’absentéisme, il est également opportun de se prémunir contre les incidences financières des arrêts de travail : si un régime de prévoyance est souvent mis à contribution pour verser un maintien de salaire dans le cadre d’arrêts de longue durée, on pense généralement bien moins à cette solution pour l’indemnisation des arrêts de plus courtes durées (l’employeur ayant légalement [1] , et parfois conventionnellement, une obligation de maintenir un certain pourcentage du salaire habituel, comme évoqué dans la précédente infographie).

    Pourtant, cette solution peut avoir des avantages non négligeables :

    • La couverture de ce coût par un régime de prévoyance permet de budgéter un coût annuel et d’améliorer l’estimation du montant des charges supportées par l’entreprise

    [1] En application de la loi dite de mensualisation du 19 janvier 1978

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