Aujourd’hui, le quotidien des parents est sans cesse partagé entre travail et vie de famille. Le rôle de parent est-il plus complexe à gérer maintenant que pour la génération de nos propres parents ?
Flore V.C. : Dans l'enquête que nous avons publiée, une majorité de parents nous disent qu’il est difficile de concilier travail et parentalité, surtout pour la génération Y. On peut donc penser que c’est plus difficile pour les parents d’aujourd’hui. Et il y a plusieurs raisons à cela.
D’abord, il faut remarquer qu’en France, on attend énormément des personnes entre 30 et 40 ans ; c’est une réalité culturelle plus liée à un effet d’âge qu’à un effet générationnel. Elles subissent une forte pression sociale pour, à la fois, avoir des enfants, réussir leur carrière, accéder à la propriété….
L'autre aspect est que l’on se questionne énormément sur le thème « ça veut dire quoi être un bon parent, qu’est-ce qu'une bonne éducation ? ». En fait, le travail parental s'est intensifié et prend de plus en plus de place dans nos têtes.
Dernier facteur : le travail, lui aussi, s’est intensifié. De manière globale, les femmes ont accédé plus largement à l’emploi depuis plusieurs dizaines d’années et maintenant, tout le monde travaille. Avec l'impact des nouvelles technologies, il n’y a plus de rupture nette, en tout cas pour les cadres, entre travail et vie personnelle.
Selon votre étude, il est encore plus complexe de concilier vie pro et vie perso quand on est une femme, comme elles sont 85 % à l’affirmer. Pourquoi un tel écart ?
Notre étude montre que les hommes prennent de plus en plus leur travail parental « à bras le corps ». En revanche, le type de préoccupations entre les mères et les pères reste très différent. Les pères ont à cœur d’être disponibles pour leurs enfants… tandis que les mères sont encore très préoccupées par des sujets logistiques et d’organisation. Un exemple : 85 % des rendez-vous pris pour des enfants chez le pédiatre le sont par des femmes !
Les cadres aussi trouvent difficile de concilier les deux rôles. D’ailleurs 80 % d'entre eux retravaillent le soir chez eux.
Pour mieux concilier travail et parentalité, les cadres demandent à leurs employeurs de bénéficier de plus de flexibilité, avec parfois un mélange des genres assez compliqué. Par exemple, quand on est chez soi avec un enfant malade, doit-on travailler ? Quel est le bon dispositif ? Mais cette flexibilité, ils la prennent aussi en boomerang parce qu’ils sont 81 % à retravailler le soir, le week-end et les vacances. Au final, les journées s’empilent et la charge mentale est de plus en plus lourde pour des cadres qui souffrent de cette compression vie pro / vie perso, avec pour seul rempart leur propre énergie au quotidien ! Et comme il n’y a que 20 % de cadres en France, que dire des 80 % qui ne peuvent bénéficier d’une telle flexibilité… Je pense notamment aux parents qui doivent payer quelqu’un pour emmener leurs enfants à l'école ou pour les ramener, alors que leur pouvoir d’achat se réduit.
Quel rôle doit tenir l'entreprise sur ce sujet ?
En cette période post covid, 70 % des parents disent y voir plus clair sur leurs priorités et 60 % arrivent à mieux poser leurs limites au travail. Beaucoup de parents témoignent pour dire qu’ils ne se sentent plus coupables de ne pas accepter une réunion à 18 h. Ils pensent même que les personnes qui ont programmé cette réunion manquent de jugement.
Concernant les nouvelles générations, articuler travail et parentalité ne sera plus une aspiration ; ce sera une condition. Voilà pourquoi l’entreprise va devoir s’occuper sérieusement du sujet. À ce titre, nous avons identifié 3 pistes :
- La clarification des droits des salariés. 52 % des collaborateurs estiment aujourd'hui qu’ils ne sont ni conscients ni informés de leurs droits.
- Le deuxième sujet est culturel. Comment mieux s’organiser, comment prendre le relais de son collègue quand il est malade ou qu’il doit endosser chez lui le rôle d’aidant. En clair, comment organiser la solidarité.
- La bascule managériale. Comment faire pour que les managers accompagnent au mieux leurs collaborateurs en difficulté… alors que 41 % des collaborateurs disent ne pas être suffisamment soutenus par leurs managers.
Avez-vous recensé sur le terrain des bonnes pratiques pour articuler harmonieusement vie professionnelle et vie personnelle ?
Un exemple de bonne pratique est d’élargir le sujet travail et parentalité au grand sujet des aidants. Cela peut se traduire par des journées spécifiques aidants, mais aussi des journées grands parents par exemple. Une autre idée est d’aider les managers à mieux comprendre les nouvelles tendances, à mieux décrypter le monde du travail actuel, pour qu’ils s’emparent vraiment du sujet.