Comment améliorer la santé des femmes au travail ?
Aline CRÉPIN : D’abord, il faut mettre des règles sur l’organisation du travail. La clé, c’est d’avoir des horaires qui correspondent aussi à la conciliation des temps de vie. Sur les métiers tertiaires, cela signifie par exemple : pas de réunion tôt le matin ni tard le soir.
Il faut aussi prendre en compte la double « carrière » qu’ont beaucoup de femmes. 87% des familles monoparentales ont à leur tête des femmes ce qui a un impact majeur sur l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Il est donc important que les entreprises puissent mettre en place des organisations et des horaires vraiment adaptés.
Il faut donc aménager l'organisation du travail…
A.C : Absolument. Cela permet de générer moins de stress, d’avoir une meilleure santé mentale et physique et surtout d’être bien présente au travail quand on est au travail… sans penser à tout ce qu’on doit organiser à côté.
Qu'attendent les femmes de leur entreprise ?
A.C : Elles attendent d’abord des actions de prévention, avec notamment un soutien à l’activité sportive. 33% attendent une aide pour les dépenses liées aux activités physiques, et 32% souhaitent la création d’espaces pour pouvoir pratiquer une activité sportive sur leur lieu de travail.
Après, il y a aussi tout ce qui concerne le soutien psychologique avec des lignes d’écoute psychologique qui peuvent être mises en place par l’employeur.
D'après votre étude, 11% des femmes actives en Île-de-France se disent très inquiètes pour leur santé psychologique, contre 6% au niveau national. Pourquoi un tel écart ?
A.C : En Île-de-France, on sait que la distance entre le domicile et le travail est souvent plus longue, avec les problèmes de transport qui vont avec. Il y a aussi les difficultés liées à la garde d’enfants, sans compter l’éloignement des familles synonyme de manque de relais. Psychologiquement, tout cela pèse, en particulier sur les femmes. Autre facteur : la proportion de familles monoparentales est plus importante en Île-de-France.
Les entreprises ont l'obligation légale de prendre en compte la grossesse dans leur organisation. Qu’en est-il pour l'endométriose ou la ménopause qui sont beaucoup moins traitées alors qu’elles ont un fort impact ?
A.C : C’est vrai qu’aujourd’hui, les femmes taisent souvent ces pathologies et « s’arrangent » toutes seules, par exemple pour l’endométriose, avec des arrêts maladie ou du télétravail quand c’est possible. Le télétravail peut compenser ces moments de douleur intense qu’ont les femmes, mais les entreprises ne sont pas toujours habituées à cette souplesse d’organisation du travail. Elles doivent pourtant se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un simple rhume, mais de douleurs récurrentes qui peuvent arriver tous les mois ou presque. Il est donc urgent pour l’entreprise de les prendre en compte, pour permettre aux femmes de travailler dans de bonnes conditions.
Tout le monde est concerné par la santé des femmes au travail ?
A.C : Au sein de l’entreprise, il y a le manager direct et les RH qui doivent installer le cadre dans lequel les managers vont pouvoir agir. Mais bien entendu, c’est d’abord la direction de l’entreprise qui doit avoir une parole très claire sur le sujet. En effet, si on n'en parle pas, si c'est tabou, on risque de mettre de côté certaines femmes qui ont une santé fragile, mais également des personnes en situation de handicap ou des personnes qui ont besoin d’une organisation un peu différente.
Il faut aussi que les pouvoirs publics agissent en matière de sensibilisation pour une meilleure prise en charge de la santé des femmes, tout comme les professionnels de santé. Au-delà de la pénibilité physique, la pénibilité mentale doit être considérée ; dans les critères de pénibilité, on parle souvent de port de charges lourdes et trop rarement de charges mentales lourdes.
Un dernier message pour améliorer la santé des femmes au travail ?
A.C : Aujourd'hui, il est capital que les pouvoirs publics, les entreprises, mais aussi le grand public comprennent que le fait d’être une femme génère un certain nombre de sujets de santé qui ont un impact direct sur leur travail. Et qu'on ne peut plus les cacher.