Papa, c’est un mot simple de deux syllabes… Mais est-ce que c’est si simple d’être papa aujourd'hui ?
P. VH : C’est une jolie chose d’être papa. Mais ce n’est finalement pas si simple que cela, car nous avons en France l’héritage d’une société empreinte de patriarcat qui fait que les pères d’aujourd’hui, ceux qu’on appelle les nouveaux pères, doivent dépasser certains préjugés pour vivre leur paternité.
Depuis 3 ans, la durée du congé paternité a augmenté. 70% des pères le prennent, mais il reste 30% qui ne le prennent pas. À votre avis, pourquoi ?
P. VH : Il y a une vraie différence selon les CSP. Il est largement pris par les CSP moyens, contrairement aux CSP + ou aux CSP plus bas. Et ceci pour des raisons diamétralement opposées. En fait, le congé paternité n'est pas indemnisé à 100 % ; on est plutôt sur 80 % de la rémunération. On peut donc se douter que pour les CSP plus bas, le différentiel de salaire trop important empêche la prise du congé paternité. À l'inverse, pour les CSP +, le point bloquant à la prise du congé paternité n’est pas tant l’aspect rémunération, mais plutôt la notion de postes à responsabilité ou de statut à préserver.
Qu’est-ce qui fait que ça bloque ?
P. VH : Aujourd'hui, il existe encore beaucoup d’autocensure et de peur du jugement dans le fait de vivre sa paternité pleinement, et donc de prendre son congé paternité dans son intégralité. Rappelons tout de même que sur les 28 jours, il n’y a que 7 jours obligatoires. Tout l'enjeu, c'est donc la prise en totalité de ce congé paternité.
Pourtant, un papa impliqué dans le quotidien de son bébé peut aider l'homme à être encore meilleur dans son job...
P. VH : Personnellement, en tant que papa de jumeaux, j’ai pu développer tout un tas de compétences, comme la patience par exemple. J’ai l’intime conviction qu’il n’existe pas d’un côté la vie pro et de l’autre la vie perso… mais juste la vie. Toutes les compétences, les soft skills, que l’on développe dans sa vie personnelle, sont aussi utiles dans la vie professionnelle, et vice versa. Et elles sont aujourd'hui de plus en plus recherchées par les entreprises, dans un monde en transformation qui va de plus en plus vite.
Pour illustrer ce point, je voudrais vous raconter l’histoire d'un papa que j'ai rencontré.
P. VH : Gabriel est ingénieur et il souhaite devenir manager. Ses patrons refusent, lui expliquant qu’il n’a pas toutes les compétences requises. OK. Gabriel est déçu, mais continue de travailler dans l’entreprise. Quelques mois plus tard, il devient papa et décide de prendre, non pas un simple congé paternité, mais un congé parental de 4 mois qu’il vit pleinement avec sa fille.
Quelques semaines après son retour en entreprise, il est convoqué par ses responsables. Et à sa grande surprise, ceux-ci lui proposent de devenir manager ! Gabriel s’étonne compte tenu du refus qu’il avait essuyé auparavant. Mais ses dirigeants lui expliquent que depuis son retour, ce n’est plus le même homme parce qu’il a développé de nouvelles compétences précieuses pour le job de manager. Avec plus de créativité, d’anticipation, d’organisation, d’empathie, de facilité à gérer les conflits. Des compétences qu’il avait déjà, probablement, mais qui étaient enfouies et que la paternité a révélées.
Derrière le mot parentalité, on a tendance à ne penser qu’aux mères, mais les pères sont aussi concernés ! Pourquoi est-il important d’intégrer la notion de paternité en entreprise ?
P. VH : Depuis la crise sanitaire, le besoin d'équilibre vie pro / vie perso est un besoin essentiel pour certaines générations. Cela veut dire que la prise en compte de la parentalité, et donc de la paternité, est indispensable pour une entreprise dans sa politique managériale et dans la réalité de sa marque employeur.
Quelles actions les entreprises peuvent-elles mettre en place pour inciter les pères à prendre leur congé paternité ?
P. VH : Il faut d’abord un changement sociétal. En entreprise, cela doit se traduire par un changement culturel, et notamment un changement managérial. Un congé paternité, ça s’anticipe en sensibilisant les équipes sur le sujet. Il faut aussi accueillir l’annonce de la demande du congé paternité avec bienveillance, encourager le collaborateur à prendre la totalité de son congé paternité.
Important aussi, l’accompagnement du futur papa dans l’optique de sa prochaine absence, ce qui va générer de la solidarité au sein de l'équipe. Alors oui, cela peut être un peu dangereux pour l’entreprise, mais il faut le voir comme une opportunité de générer du transfert de compétences au sein de l'équipe.
Ensuite, il y a de nombreuses actions à envisager comme celle d’autoriser les papas à partir plus tôt. Parce qu’on n'est pas papa juste lors de la durée du congé paternité, mais on le reste toute la vie. Il est donc important de ne pas voir la parentalité que sous le prisme de la petite enfance.
Ma conviction, c'est d’ailleurs que demain, un des enjeux fondamentaux des sociétés sera les aidants, car on sera tous salarié aidant. Or intégrer la parentalité en entreprise, c'est changer la culture managériale et la culture de l’entreprise. C’est donc nous préparer à cette vague énorme qui va arriver demain concernant les salariés aidants.