Parlons du retour à l'emploi. En France, on est malade, on est en arrêt maladie. On revient au travail, on est guéri ?
Olivier Brochoire : La réalité est plus nuancée, mais il est important de comprendre que le travail est un déterminant de la santé. Le retour au travail ne signifie pas forcément une guérison totale. Et quand tout n’est pas entièrement réglé, les peurs sont nombreuses : peur du regard des autres, peur des questions, peur des jugements.
Autre point essentiel : au fil du temps, le salarié bénéficie de moins de soins. Il a donc moins d’accompagnement et se retrouve face à une situation d’isolement. Pourtant, il est très important qu’il soit accompagné dans sa reprise du travail.
L'absence de prise en compte de ce sujet génère-t-elle des difficultés et des coûts pour les entreprises ?
Le premier coût est humain. Lorsqu’on n’a pas anticipé, la charge de travail peut être reportée sur les équipes avec à la clé une désorganisation… qui va entrainer des coûts financiers supplémentaires. L'absence d’anticipation a pour conséquences un désengagement, une baisse de la qualité des travaux, une démotivation voire un mécontentement de certains salariés. Sans compter le salaire versé aux absents, le salaire des remplaçants, les heures supplémentaires, le coût des régimes d’assurance…
Comment les entreprises peuvent-elles agir ?
Elles doivent coopérer, communiquer… et avant tout anticiper. L’entreprise doit en même temps rassurer le salarié en arrêt de travail pour lui montrer que les choses sont bien organisées, et les salariés de l’entreprise pour qu’ils comprennent qu’en cas d'absence, ils ne seront pas oubliés.
Les salariés ont-ils d'autres besoins ?
Ils ont besoin d’être rassurés parce qu’ils ont peur de perdre leur emploi. Il est donc important d’interroger le salarié au lieu de penser à sa place. Mais ce qui est encore mieux, c'est de savoir précisément ce qu’il veut. Car il souhaite en général un retour progressif avec l’envie d’être formé ou re-formé sur certaines tâches, d’être coaché et d’avoir une visibilité sur son avenir. Finalement, ce qui est important, c'est que l’employeur soit aussi à l’initiative de la préparation du retour.
Quelles sont les difficultés exprimées par les malades à leur retour au travail ?
La fatigue est la première difficulté exprimée. Reprendre le travail, c'est un autre rythme ! Avec des difficultés à gérer la charge physique et mentale, mais aussi des soucis de concentration et de mémorisation. Quant à l’entreprise, elle doit ré-accueillir le salarié, l’accompagner avec des points réguliers et échanger sur ses nouveaux besoins.
Est-ce que le retour au travail change en fonction de la pathologie ?
La fatigabilité ne va pas être la même. Quand on revient d’une pathologie psychique, par exemple, on peut être relativement armé. Mais quand on revient d’un cancer, c’est complètement différent. On sait qu'on va devoir faire des points réguliers avec une vision différente du travail parce qu’on a survécu à la maladie.
Chaque jour en France, 1 200 personnes apprennent qu'elles ont un cancer. Comment faire face à cette réalité ?
Il convient d’anticiper, aussi bien pour le salarié qui pourrait se retrouver dans cette situation, que pour les équipes et les managers. Car les entreprises sont évidemment très attentives à l'image qu'elles véhiculent.
Quels sont les trois conseils que vous donneriez à une personne malade ?
- Communiquer : oser poser les questions, exprimer ses doutes à l’employeur, être acteur de sa reprise.
- Le salarié va échanger avec son médecin pour envisager la reprise ; il doit être à la manœuvre pour que les choses se fassent dans le bon tempo.
- Ne pas penser à la place de l’employeur, ne pas penser que ce sont les besoins de l’entreprise qui prédominent.
Et les trois conseils que vous donneriez à un manager ?
- D’abord interroger les besoins du salarié, sans jugement.
- Ensuite, être dans un management situationnel, c’est-à-dire accompagner la reprise en faisant des points réguliers, en développant la reprise d’autonomie par des formations.
- Et enfin, véhiculer une belle énergie, parce que l’optimisme c’est contagieux !