La santé des femmes au travail, un défi pour les entreprises
Au-delà de la lutte contre les discriminations et contre les violences faites aux femmes (en 2023, 20 % des femmes ont subi au mois un fait de violence – agression, harcèlement, violence sexuelle et sexiste – dans le cadre de leur travail au cours de l’année écoulée1), la santé au travail des femmes représente un enjeu majeur de santé publique et un chantier à ouvrir dans de nombreuses entreprises. Pourquoi ? Comment ? État des lieux.
Pour mieux tendre vers l’égalité, il est nécessaire de repérer d’abord les inégalités. Et en matière de santé au travail, entre les femmes et les hommes, elles sont assez nombreuses, bien que le sujet soit peu connu, voire ignoré, jusqu’ici par les pouvoirs publics et les employeurs… Dressons ensemble un rapide état des lieux.
Premier constat : la santé des femmes est trop souvent négligée. Selon un sondage réalisé par l’institut Elabe en 2021, 80 % des femmes prennent en charge la santé de leur entourage avant la leur, et elles sont 77 % à repousser le moment de consulter. Ainsi, 70 % d’entre elles déclarent ne se rendre chez le médecin que lorsqu'elles n'ont plus du tout le choix !
Des maladies spécifiques
Une vie plus longue, mais en moins bonne santé
Autre état de fait : la vie des femmes est certes plus longue que celle des hommes, mais leurs années de vie supplémentaires sont marquées par davantage de problèmes de santé ou de perte d’autonomie. En 2023, l’espérance de vie moyenne des femmes était supérieure de presque six ans à celle des hommes : 85,7 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes2. Pourtant, selon la Drees3, en 2018, l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, s’élevait seulement à 64,5 ans pour les femmes et à 63,4 ans pour les hommes, soit un écart d’un an environ !
Rappelons que les principales causes de mortalité des femmes sont, en premier, les maladies cardiovasculaires (infarctus et AVC) et, en second, les cancers, celui du sein et du col de l’utérus, les plus fréquents, et celui des poumons, le plus meurtrier. 54 % des victimes d’accidents cardiaques mortels sont des femmes, sachant qu’il existe une réelle différence de prise en charge et de diagnostic entre les femmes et les hommes : ce biais de genre entraînerait un retard d’une heure dans leur prise en charge.
Des risques invisibles
Les conditions d’emploi des femmes semblent également moins favorables. En effet, les femmes sont surreprésentées dans les métiers les plus précaires et quatre fois plus concernées que les hommes par le temps partiel. Elles constituent notamment 70 % des travailleurs pauvres et 85 % des familles monoparentales.
Par ailleurs, elles se situent en première ligne face aux risques psychosociaux (RPS) : 60 % des personnes atteintes de troubles musculosquelettiques (TMS) sont des femmes, et il y a trois fois plus de signalements de souffrance psychique chez elles. « Les femmes sont majoritairement exposées à des risques invisibles et silencieux, liés à une usure physique et psychique, alors que les hommes sont davantage exposés à des dangers visibles et engageant le pronostic vital (accidents, amiante…) », précise le rapport d’information du Sénat sur la santé des femmes au travail réalisé en juin 2023 par la délégation aux droits des femmes1.