Pourquoi la prévention du sexisme au travail est-elle une question primordiale ?
Allison Caillé : Les chiffres parlent d’eux-mêmes et les conséquences sont importantes sur les personnes qui en sont victimes : baisse d’estime de soi, syndromes anxieux et dépressifs, baisse de productivité. C’est donc un vrai sujet pour les employeurs à l’heure où les enquêtes pour harcèlement sexuel au sein de l’entreprise sont en progression.
Il faut aussi noter que le Code du Travail a évolué depuis mars 2022 ; les agissements sexistes rentrent désormais dans la définition du harcèlement sexuel au travail.
Sous quelle forme le sexisme existe encore au travail ?
AC : Il prend racine sur des stéréotypes régis par l’économie cognitive de notre cerveau qui range les personnes dans des « boîtes » pour se simplifier la tâche. Exemples classiques : les femmes sont moins bonnes en mathématiques, les hommes ne doivent pas pleurer… L’idée est donc de déconstruire ces stéréotypes qui mènent à des comportements de discrimination en fonction du genre.
Au travail, les agissements sexistes peuvent prendre la forme de petites phrases, comme appeler sa collègue « ma petite chérie », de codes sociaux à respecter : « Arrête de te plaindre, t’es un homme ». Cela passe aussi par la fausse séduction « Ta robe te fait un beau décolleté… », car commenter le physique est toujours sexiste. Même en blague.
Où est la frontière entre le sexisme et l’humour ?
AC : L’humour a une fonction importante au travail : il créé du lien social ou sert à décompresser. Mais il faut bien faire la différence entre « rire avec » et « rire de ». Quand on rit « de » quelqu’un, il y a une discrimination à l’origine, alors que le « avec » est incluant. Il est important de prendre en compte l’effet produit : « Ma blague provoque-t-elle de la gêne ? ».
Pourquoi le sexisme reste présent dans les équipes de travail ?
AC : Il existe 3 ingrédients d’un climat de travail sexiste.
- La banalisation des agissements : « c’était juste une blague ».
- Le sentiment d’impunité : « c’est entre nous, il n’y a pas de malaise ! ».
- L’absence de recadrage de la hiérarchie.
Comment, en tant qu’employeur, je peux prévenir le sexisme ?
AC : Les décideurs ont un rôle central dans la prévention qui se décline sur 3 niveaux. La prévention primaire qui consiste à afficher sa lutte en mettant en place des procédures d’alerte éthique et en communiquant auprès des nouveaux arrivants. La prévention secondaire qui permet de sensibiliser et de former toutes les strates de l’entreprise. Et enfin la prévention tertiaire pour réparer, en intégrant une cellule de signalement en interne, en formant les gens à l’écoute active, en diligentant des enquêtes en cas de signalement, et éventuellement en sanctionnant.
Et en tant qu’employé, comment témoigner en cas de blague sexiste ?
AC : Il ne faut pas banaliser les faits. Si on vit la situation en direct, l’idée est d’intervenir au nom de la personne : « ce que tu viens de dire me pose problème ». Et si on est victime, il faut tout de suite en parler aux différents relais dans l’entreprise.